Le discours du retour de Jean Bertrand Aristide
L’incontournable ancien chef d’Etat !
Depuis que l’ancien président haïtien, Jean-Bertrand Aristide, ait obtenu son passeport diplomatique du gouvernement Préval/Bellerive le 7 février 2011, les pressions s’accumulaient nationalement et internationalement afin de boycotter son retour dans le pays après sept années d’exil en Afrique du Sud. Certes ses détracteurs ont évoqué leurs préoccupations par rapport aux élections du 20 mars dernier. Mais, au fond, ils ne voulaient pas que l’ex-chef d’Etat soit de retour en Haïti de sitôt. Ils savent qu’il était resté, même après sept an en dehors du pays, un symbole d’espoir pour les masses défavorisées.
Rappelons que le gouvernement de Jean-Bertrand Aristide, dès son arrivée au pouvoir pour la deuxième fois en 2001, a été boycotté par la « communauté internationale » avec les Etats-Unis en tête, la France et le Canada. Le « National Endowment for Democracy » (NED), bras politique de financement de la CIA, à travers ses deux branches : le NDI (démocrate) et l’IRI (républicain) a commencé à fomenter la déstabilisation du gouvernement Lavalas en finançant un mouvement d’opposition dénommé Convergence démocratique. Au sein de ce groupe, on retrouvait les représentants des deux ailes de la classe dominante. Les féodaux (macoutes) d’une part et la bourgeoisie d’autre part. Voyant que cette alliance n’avait pas la force nécessaire de renverser Aristide, les Etats-Unis ont organisé un mouvement armé, dirigé par Guy Philippe et Louis Jodel Chamblain, ancien dirigeant du groupe terroriste FRAPH, qui avait comme base arrière la République dominicaine. Les incursions du bras armé de l’opposition avaient commencé dès 2001.
L’Académie de police logée sur la route de Frères, Pétion-ville, a été la première cible, laissant morts et blessés après cette attaque. C’était un test ! Après, ce fut le tour du Palais National ou le bureau du président Aristide fut vandalisé. Curieusement, ces hommes armés qui firent irruption au Palais National s’étaient volatilisés après leur forfait. Certainement ils avaient aussi des liens au sein de la Police National d’Haïti (PNH). L’ « internationale» avait coupé les vivres au gouvernement. Ils ont boycotté, en partie, la commémoration du Premier Janvier 2004 marquant l’anniversaire du 200ème année de l’indépendance d’Haïti proclamée le Premier Janvier 1804. Et, finalement, le 29 février 2004 les forces spéciales nord américaines ont enlevé le président Aristide et l’ont conduit en exil. On connaît la suite : Débarquement dans un premier temps de soldats nord américains, français et canadiens pour faire place ensuite à une force d’occupation de l’ONU, la MINUSTAH qui est dans le pays jusqu’à date. De 2004 à 2006, le pays a été dirigé par un homme de paille des Etats-Unis imposé au pays ; Gérard Latortue. En 2006, des élections ont été organisées. Et l’électorat Lavalas, voyant en René Préval, à tort ou à raison, le frère jumeau d’Aristide, a jeté tout son poids dans la bataille afin qu’il soit élu en pensant que cela pourrait mettre un terme à l’exil de son leader. M. Préval, cherchant toute sorte de prétexte, a préféré se soumettre aux dictats nord-américains et français pour tenir Aristide en dehors du pays. Le président a tout fait pour plaire à l’empire et a tout « donné ». Cela n’a pas empêché qu’il ait failli être évincé du pouvoir le 28 novembre 2010 lors du premier tour des élections présidentielles et législatives. Le brésilien Ricardo Seintenfus, représentant de l’OEA s’est interposé. Par la suite, Seintenfus a pratiquement dénoncé la politique de la « communauté internationale » en Haïti. Il fut évincé à deux mois de la fin de son mandat. Il semblerait alors que le président Préval s’est décidé, ceci est tout à fait à son honneur, à donner le feu vert pour que le président Aristide retourne dans son pays. « Di djab bonjou, pa di l bonjou, l ap manje w kan menm. »
Malgré tout ; Washington, Paris et Ottawa qui vouent une haine implacable à Jean-Bertrand Aristide du fait qu’il, malgré certaines erreurs commises, leur a toujours tenu tête ont tout essayé pour empêcher son retour. Le 17 mars, le porte parole de la Maison Blanche Tommy Vietor expliquait que « Les Etats-Unis, de même que d’autres membres de la communauté internationale ont de profondes inquiétudes à l’égard d’un retour du président Aristide en Haïti dans les derniers jours de la campagne électorale, qui pourrait s’avérer déstabilisant. » Le président des Etats-Unis Barack Hussein Obama a même téléphoné au président sud africain Jacob Zuma pour lui demander d’empêcher le retour de l’ex-président. M. Obama a bien entendu reçu une fin de non recevoir. « Les Etats-Unis doivent voir ça avec le gouvernement haïtien. Si on lui a donné son passeport, ce n’est pas à nous de décider quand il doit quitter l’Afrique du Sud » avait dit le vice ministre des Affaires étrangères sud africain Marius Fransman. Quelle honte pour Barack Obama qui avait « beaucoup » de prestige auprès d’une bonne partie du peuple haïtien surtout de la diaspora! Avec le bombardement de la Libye qu’il a ordonné depuis le samedi 19 mars, il a prouvé qu’il n’est pas trop différent de George W. Bush, il n’est qu’un autre représentant de l’empire. Il faut aussi savoir que les deux candidats, Manigat et Martelly qui étaient contre le retour d’Aristide, du moins avant le 20 mars, il y a de cela moins d’un mois se sont ravisés. Ils ont fait des déclarations à la presse indiquant qu’il (Aristide) est le bienvenu dans son pays.
Et, finalement, malgré toutes les pressions, le président Aristide est rentré dans son pays avec sa femme et ses deux enfants le vendredi 18 mars 2011 après 7 années d’exil. Parmi les personnalités qui accompagnaient l’ex-président on pouvait remarquer : L’acteur afro américain Danny Glover, la cinéaste Katharine Kean (KK) etc. L’avion sud africain qui le transportait a atterri à l’aéroport Toussaint Louverture vers les 9 heures 30 du matin. Des milliers et des milliers de partisans et sympathisants étaient venus le saluer. Ce qui a fait dire à une touriste nord-américaine cité par l’AHP qui se trouvait près de la résidence de l’ancien chef d’Etat : « Nous nous rendons compte que l’exil n’a fait qu’augmenter la popularité de M. Aristide. 7 ans en dehors du pays n’ont pas réussi à entamer cette popularité. » C’était l’apothéose aux environs de l’aéroport et de la maison de l’ex-président à Tabarre rénovée pour l’accueillir. Il a été accueilli aussi par le Secrétaire général du Palais national M. Fritz Longchamp. M. Aristide tout au début de son discours d’environ quinze minutes a remercié le président sud africain Jacob Zuma, l’ex-président Thabo Mbeki qui l’avait accueilli en 2004 ainsi que Nelson Mandela. Et, après avoir salué le gouvernement haïtien, d’autres amis et le peuple en général, le président Aristide a fait savoir que « notre sang est celui de Toussaint Louverture, nous ne pouvons pas trahir notre sang.. » A l’endroit des sinistrés du séisme du 12 janvier 2010, il a dit aussi : « Si je pouvais transformer la chambre de mon cœur en pièce de maison, je sais combien de chambres que j’aurais à construire pour loger les sinistrés… » Concernant les élections, l’ancien chef d’Etat n’est pas passé par quatre chemins pour expliquer que « l’exclusion de Fanmi Lavalas constitue celle de la majorité des haïtiens et constitue un acte à scier la branche sur laquelle tout le monde est assis. » Ce qui veut dire clairement que Jean-Bertrand Aristide est encore incontournable dans la vie politique de son pays. « Les haïtiens marquent aujourd’hui la fin de l’exil et des coups d’Etats… » En effet, l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier est là. Le président Aristide est aussi présent sur le terrain. Donc, le président Préval sera aussi là.
« …..Honneur et respect pour les 300 mille victimes du tremblement de terre. Respect pour la mémoire de tous ceux qui ont été victimes du choléra ou de catastrophes politiques » a dit l’ancien chef d’Etat. Fait très significatif, et mis sous le boisseau par la presse en général, le président Aristide a salué en espagnol l’apport des médecins cubains dans la lutte contre le choléra. A l’aéroport Toussaint Louverture il a été aussi accueilli par l’ambassadeur vénézuélien en Haïti. « Les vrais amis étrangers qui sont avec nous aujourd’hui et tous ceux présents en esprit sont des personnes qui ont toujours cherché à comprendre la profondeur de la souffrance et la profondeur de la dignité qui circulent dans le langage du peuple haïtien.. » a poursuivi Aristide en disant aussi que « …nous sommes contents de nous tenir aux côtés des jeunes. Vous, la nouvelle génération, sans exclusion, qui recherche la dignité. » Comme il l’a en maintes occasions répéter, le président Aristide va s’investir dans l’éducation. Il l’a déjà commencé, dans un certain sens, à travers son discours. Lire la suite
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