mercredi 24 octobre 2012

HAITI: APPEL POUR UNE CONFERENCE CONTINENTALE LE 1ER JUIN 2013 POUR LE RETRAIT DES TROUPES DE LA MINUSTAH D'HAITI

Aux organisations syndicales, politiques, populaires et démocratiques Aux travailleurs, aux jeunes, aux dirigeants et personnalités attachés à la défense de la liberté et de la souveraineté des peuples APPEL POUR UNE CONFERENCE CONTINENTALE LE 1er JUIN 2013, EN HAÏTI POUR LE RETRAIT D’HAÏTI DES TROUPES DE LA MINUSTAH Aujourd’hui, 11 octobre 2012, nous vous adressons cet appel depuis le siège de l’ONU, à New York, après un entretien avec M. William Gardner, haut responsable des affaires politiques de la division Europe-Amérique Latine et du département des opérations du maintien de la paix de l’ONU, et trois membres de son équipe : M. Patrick Hein, Mme Ekatrina Pischalnikova et M. Nedialko Kostov.
Nous sommes venus en délégation parce que nulle personne attachée à la défense des droits démocratiques les plus élémentaires ne peut accepter qu’une force multinationale d’occupation, sous le drapeau de l’ONU et le commandement de l’armée brésilienne, s’obstine depuis juin 2004 à maintenir sa présence sur le territoire haïtien. Et ce, exactement 200 ans après qu’en 1804, l’indépendance politique, la libération de l’esclavage, l’instauration de la république haïtienne aient été arrachées aux puissances impérialistes par la lutte sans merci des esclaves noirs. Nous avons présenté à M. Gardner les derniers documents d’un dossier préparé par le « Comité Défendre Haïti c’est nous défendre nous-mêmes », dont le siège est à l’Assemblée législative de São Paulo. Dossier qui fait état de la campagne internationale que nous menons depuis 2004 contre la présence de la MINUSTAH en Haïti, ainsi que des messages de soutien à notre délégation envoyés par des instances syndicales de nombreux pays des Amériques. Nous avons rappelé, notamment (*) : A - La délégation reçue le jeudi 25 août 2011 par M. Ugo Solinas, chef de l’observatoire sur Haïti, de la division Europe et Amérique Latine et du Département de l’ONU des opérations de maintien de la paix (DOMP, DPKO en anglais) et deux autres responsables aux affaires politiques du DOMP basés à Haïti : Mme Tatiana Auguste et M. Patrick Hein. Cette délégation avait présenté à l’ONU les résultats accablants de la Commission internationale d’enquête sur Haïti diligentée à Port-au-Prince du 16 au 20 septembre 2009. A cette occasion, M. Solinas avait reconnu que, nous soulevions « des questions et des préoccupations réelles. Ce sont certains des problèmes auxquels j’ai dû me confronter durant les quatre années où je me suis occupé des opérations de maintien de la paix au Congo. De toute évidence, les problèmes auxquels les Haïtiens sont confrontés sont également du domaine social et économique. Mais les opérations de maintien de la paix de l’ONU ont un mandat et un objectif très limités qui est d’aider à assurer un niveau minimum de sécurité afin que les institutions d’Haïti puissent être renforcées ». Cependant, le 15 octobre 2011, le mandat de la MINUSTAH était renouvelé. B - Le Meeting continental pour le retrait immédiat des troupes de l’ONU d’Haïti, le 5 novembre 2011, à São Paulo (Brésil), avec le soutien de l’Entente internationale des travailleurs et des peuples, en présence de 600 personnes, venues de 12 états du Brésil, devant une tribune composée de militants haïtiens et de participants venus de sept pays dont les gouvernements sont engagés dans l’occupation d’Haïti - Etats-Unis, Bolivie, Argentine, Uruguay, France et Brésil - parmi lesquelles des représentations d’importants syndicats comme la centrale syndicale PIT/CNT (Uruguay), le Syndicat des mineurs de Huanuni (Bolivie), la CUT (Brèsil), appuyés par des messages de syndicalistes de l’UNETE du Venezuela, de la CTA-Capitale (Argentine), de la CGTP du Pérou, de syndicats d’Équateur et du Canada… Ce meeting a adopté l’ « Engagement de São Paulo » affirmant que : « Les troupes de la Mission de l’ONU pour la stabilisation d’Haïti - MINUSTAH sont responsables de la remise en cause de la souveraineté d’Haïti, de la violation des droits humains, des morts - ‘effets collatéraux’ d’un état de guerre perpétuel - de la répression des manifestations démocratiques, syndicales, étudiantes et populaires. Les soldats de la MINUSTAH ont introduit le choléra qui a déjà tué 6 000 personnes et en a contaminé plus de 300 000. Sur elles pèsent des accusations fondées de violence sexuelles et de viols de jeunes qui, comme d’autres crimes, restent impunis du fait de leur immunité légale. (…) Haïti a souffert d’innombrables occupations militaires. La dernière, en 2004, organisée par l’impérialisme des Etats-Unis avec la France et le Canada, a renversé le président élu à l’époque, Jean-Bertrand Aristide. Depuis, sous le masque de l’ONU, comme « mission de stabilisation », les troupes d’occupation et de police de 40 pays sont conduites par l’armée brésilienne.» L’Engagement de São Paulo appelait à poursuivre la campagne et, particulièrement à réaliser, le 1er juin 2012, une Journée Continentale d´action pour le retrait de la MINUSTAH. C - La Conférence caribéenne « Agissons ensemble pour une Haïti souveraine », « Dehors la MINUSTAH », qui a eu lieu à Vertières (Cap-Haïtien), les 16, 17 et 18 novembre 2011, à l’initiative de l’Association des Travailleurs et des Peuples de la Caraïbe (ATPC) et du comité de suivi de la commission internationale d’enquête, avec la participation d’organisations syndicales, politiques et du mouvement populaire des Etats-Unis d’Amérique, de France et de la Caraïbe, notamment de la Guadeloupe, de Trinidad et Tobago, de la Dominique, de la Martinique et d’Haïti ainsi que des représentants de l’Entente internationale des travailleurs et des peuples (EIT). Dans son communiqué final, la Conférence caractérisait la MINUSTAH comme le « bras armé de la domination impérialiste ». Et, elle faisait état de témoignages qui « ont permis de mieux comprendre la véritable politique de privatisation et de développement de zones franches, au profit des multinationales, imposant aux travailleurs un régime de surexploitation, sans droit de s’organiser, sans garanties sociales, hors des normes légales haïtiennes et des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) ». Elle constatait que « la destruction de la production agricole nationale au profit des multinationales (par exemple, la production de riz). La couverture des besoins de consommation alimentaire de la population haïtienne par la production agricole nationale est passée de plus de 60 % à moins de 25 % en moins de 20 ans. Les témoignages nous ont permis de constater encore l’exploitation des ressources minières par des compagnies étrangères, un peu partout à travers le pays. Ce qui constitue une atteinte grave à la souveraineté de la première République noire indépendante ». D - La journée continentale de 1er juin 2012, pour le retrait immédiat de la MINUSTAH d’Haïti et la pleine souveraineté du peuple haïtien, a été marquée, en Haïti et notamment aux Etats-Unis, en Argentine, au Brésil, au Mexique, au Pérou, en Guadeloupe et en Martinique, dans d’autres pays de la Caraïbe, par de nombreux rassemblements, meetings et manifestations et par des entretiens avec des représentants des gouvernements au Brésil, au Pérou et en Argentine. Aucun d’entre eux n’a nié la nécessité de sortir d’Haïti. Lors d’une audience le 10 juillet 2012, le ministre des Affaires étrangères du Brésil, le pays qui détient le commandement de la MINUSTAH, a même déclaré : « Je pense qu’elle [la MINUSTAH] s’est déjà prolongée plus qu’il était souhaitable ». E. Le 3 septembre 2012, plusieurs organisations haïtiennes ont lancé un appel à une délégation continentale au siège de l’ONU, pour le non renouvellement des troupes de la MINUSTAH en Haïti. Ce 11 octobre 2012, au siège de l’ONU, nous avons aussi signalé à M. Gardner l’existence de nombreuses autres manifestations, marches et initiatives prises par des organisations ouvrières, démocratiques et populaires diverses qui exigent toutes le retrait des troupes d’Haïti. Et, nous avons souligné l’importance des récentes manifestations de masse qui ont eues lieu en Haïti les 29 et 30 septembre et le 6 octobre, combinant l’exigence du départ de la MINUSTAH et celles concernant l’emploi, le logement, la santé, la nourriture, l’arrêt de la corruption et le départ immédiat de Martelly. Sur la base de tous ces éléments et des interventions liminaires de cinq des membres de la délégation, Julio Turra (CUT-Brésil) - Sénateur Moise Jean Charles (Haiti) - Pablo Micheli (CTA-Argentine) - Jocelyn Lapitre (LKP-Guadeloupe) et Fignolé St. Cyr (CATH-Haiti), nous avons eu un échange avec M. Gardner et son équipe. Echange qui a mis en relief plusieurs questions, parmi lesquelles : - M. Gardner a déclaré que la présence de la MINUSTAH en Haïti était «légitime» dans la mesure où l’appel, au printemps de 2004, à l’intervention de troupes de maintien de la paix émanait du gouvernement haïtien de transition internationalement reconnu. La délégation a répondu qu’un «gouvernement» résultant d’un coup d’Etat militaire qui élimine le président démocratiquement élu et le kidnappe était tout sauf «légitime». - L’un des délégués a également souligné que l’occupation par la MINUSTAH constitue une violation flagrante de la Constitution d´Haïti de 1987 qui stipule, dans son article 263-1, qu’en dehors des Forces Armées d’Haïti et des forces de police nationale, « aucune autre force armée ne peut stationner sur le territoire national ». - M. Gardner a rétorqué que la présence de la MINUSTAH a, depuis, été approuvée par le Président «nouvellement élu» Michel Martelly. La délégation a répondu que lors de l’élection le 20 mars 2011, les troupes de la MINUSTAH ont assuré la sécurité et la logistique d’un deuxième tour illégal. L’élection était illégale parce que le Conseil électoral provisoire (CEP) n´avait pas légitimé les résultats du premier tour (le 28 novembre 2010) marqué par la désorganisation, la violence et la fraude pure et simple. L’élection était également illégale car un grand parti politique, avec une base de masse, qui s´était opposé au putsch de 2004 et à l’occupation (Fanmi Lavalas) s´était vu interdire la présentation de candidats à l’élection. - Le sénateur haïtien Moise Jean Charles a rappelé à M. Gardner que le 20 septembre 2011, le Sénat haïtien a adopté une résolution demandant au gouvernement de « Produire par devant le conseil de Sécurité des Nations Unies la demande formelle du retrait progressif, ordonné et définitif de toutes les composantes de la MINUSTAH dans un délai n’excédant pas un an soit au plus tard le 15 octobre 2012 ». Ce délai, fixé par le Sénat haïtien, est maintenant dépassé et oublié. M. Gardner a choisi de ne pas commenter ce refus par le Conseil de sécurité des Nations unies de tenir compte d´une résolution du Sénat haïtien. - Un délégué a rappelé à M. Gardner que, le 4 novembre 2011, plus de 5 000 Haïtiens rescapés du choléra et les familles des victimes du choléra ont intenté, en Haïti et à New York, une action contre l’ONU et la MINUSTAH, pour leur responsabilité dans l’introduction en Haïti des bactéries « vibrio cholerae » par les soldats népalais qui font partie de la force d’occupation militaire. Une pétition en anglais et en français a été remise au Chef de l’Unité de la MINUSTAH chargée des réclamations à l’aéroport de Port-au-Prince et au Bureau du secrétaire général Ban Ki-moon, à New York. Elle accuse l’ONU d´être « responsable de négligence, de négligence grave, d’insouciance et d’indifférence délibérée vis-à-vis de la santé et de la vie du peuple haïtien ayant causé des blessures aux pétitionnaires et des décès dus au choléra ». Cette pétition exige de l’ONU qu’elle accorde « une compensation financière aux pétitionnaires ; des mesures effectives pour prévenir la propagation du choléra ; une reconnaissance formelle de la responsabilité de l’ONU ; des excuses pour la responsabilité de l’ONU dans l’épidémie qui a sévi en Haïti ». M. Gardner a répondu que l’ONU n’est pas responsable de ce que les soldats de n’importe quel pays impliqués dans les « opérations de paix » peuvent faire ou ne pas faire et que le service juridique de l’Organisation des Nations Unies a été chargé d’étudier la question de l’indemnisation. Et, qu´il n´aurait donc pas d´autre commentaire à faire. M. Gardner a annoncé que le Conseil de sécurité allait bientôt prendre des mesures de réduction des troupes en Haïti, mais que le « mandat de maintien de la paix » se poursuivrait jusqu’à ce qu´un seuil de stabilité et de paix ait été atteint, du moins jusqu’à la prochaine élection présidentielle en Haïti en 2015. La délégation unanime a dit à M. Gardner que lui et l’ONU prenaient les choses à l’envers. Elle a insisté sur le fait que le préalable à l’établissement de la paix et de la démocratie est le retrait immédiat de toutes les troupes de la MINUSTAH et les réparations pour les victimes de l’occupation. Revenant sur la situation en cours en Haïti, nous affirmons : Les manifestations qui se déroulent ces dernières semaines constituent de véritables soulèvements des masses, contre la vie chère et le gouvernement en place. Cartons rouges à la main, pour demander le départ du gouvernement, des travailleurs, des jeunes, des hommes et des femmes, ont défilé pacifiquement, sans incidents, en scandant « Non, jamais plus de coup d’Etat. Nous voulons un Etat démocratique en Haïti ». À Port-au-Prince, les manifestants pacifiques se sont vu barrer la route par la police haïtienne appuyée par des casques bleus de l’ONU. Plus que jamais, il est clair que c’est bien là la seule raison de la présence en Haïti des soldats la MINUSTAH : empêcher, au profit des multinationales, le peuple haïtien d’exercer ses droits démocratiques et sa souveraineté ! On ne peut pas plus prétendre que la MINUSTAH soit en Haïti pour « rétablir les conditions de stabilisation, de paix et de démocratie ». D’un bout à l’autre du continent américain, des syndicalistes, des organisations politiques et populaires, exigent le départ immédiat de la MINUSTAH et un arrêt immédiat de la répression par les forces de police du gouvernement Martelly et de la MINUSTAH. Mais, sourd à cette exigence, le Conseil de Sécurité de l’ONU vient une nouvelle fois, le 12 octobre, de renouveler le mandat de la MINUSTAH. Cela veut dire que le 1er juin 2013 débutera la 9ème année d´occupation. Après huit années, une année de plus ! C’est irrecevable. Nous ne pouvons l’accepter ! Travailleurs, jeunes, organisations syndicales et démocratiques, plus que jamais, l’heure est venue d’empêcher que cette situation se poursuive. Nous appelons dès maintenant à préparer une large et représentative Conférence continentale sur le mot d’ordre « Défendre Haïti c’est nous défendre nous-mêmes », qui aura lieu en Haïti, le 1er juin 2013. Au moment où arriveront les nouvelles troupes, les délégations de nos pays seront présentes sur le sol haïtien pour rejeter la présence de la MINUSTAH. Nous reprenons à notre compte les exigences de l’engagement de São Paulo, réitérées à l’issue de la journée continentale du 1er juin 2012 : - Annulation de la dette extérieure d’Haïti ! - Restitution des sommes payées ! - Remboursement des sommes extorquées au moment de l’indépendance ! - Réparations pour les familles des victimes du choléra et de violations des droits humains ! - Retrait immédiat des troupes de l’ONU d’Haïti ! Pour la réussite de la Conférence Continentale « Défendre Haïti c’est nous défendre nous-mêmes » , le 1er juin 2013, en Haïti ! En défense de la souveraineté de la nation haïtienne ! C’est au peuple d’Haïti de décider de son avenir ! New-York (Etats-Unis), le 12 octobre 2012 — Signatures de la délégation sur cet appel : Julio Turra, membre de la commission exécutive de la Centrale unique des travailleurs du Brésil (CUT) ; Moïse Jean Charles, sénateur (Haïti) ; Pablo Micheli, secrétaire général de la Confédération des travailleurs de l’Argentine (CTA) ; Jocelyn Lapitre, membre du LKP et de l’ATPC (Guadeloupe) ; Fignolé Saint-Cyr, secrétaire général de la Confédération autonome des travailleurs haïtiens (CATH) ; Geffrard Jude Joseph, directeur de la Radio Panou (Etats-Unis, New York, Brooklyn) ; Colia Clark, Guadeloupe-Haïti Campaign Committee (Etats-Unis, New York, New York) ; Alan Benjamin, Entente internationale des travailleurs et des peuples (EIT-ILC) (Etats-Unis, San Francisco, Californie), membre du comité exécutif de l’AFL-CIO de San Francisco ; Kim Ives, comité éditorial Haïti-Liberté (New York) ; Robert Garoute, MPDH, (Etats-Unis, New York, Brooklyn).
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